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09/11/2009

(UK) Being human, saison 1 : en quête d'identité et d'humanité


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Ce samedi soir a débuté, en France, sur Orange Cine novo (sérieusement, c'est une vraie chaîne ?), la saison 1 de Being Human. Tandis qu'aux Etats-Unis, SyFy, faisant une fois encore preuve d'innovation, a commandé 13 épisodes d'une version américanisée de Being Human, souhaitant sans doute surfer sur la nouvelle vague de fantastique qui envahit le petit écran. Pourtant, la genèse quelque peu chaotique de cette série britannique ne laissait pas entrevoir la pérennité que le concept aurait. En effet, après un pilote "test" qui permit à la série de se constituer une petite base de fans, mais dont la diffusion esseulée en février 2008 ne remporta pas la bataille de l'audience, ce n'est qu'après tergiversations et suite à une campagne de mobilisation pour sauver la série que BBC3 commanda finalement une saison complète de six épisodes. Ce délai avait laissé le temps aux acteurs originaux de s'engager sur d'autres projets, ce qui nécessita le changement d'une partie du casting, d'où l'existence d'un "deuxième" pilote qui ouvrit cette saison 1 en janvier 2009. La chaîne, satisfaite de l'écho de Being Human, commanda une saison 2, de huit épisodes. Elle devrait être diffusée en début d'année 2010 en Angleterre.

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Being human se propose de nous conter le quotidien de trois amis "colocataires". Mitchell, un vampire de plus de 100 ans, et George, un récent loup-garou, unis par leurs insécurités et leurs interrogations, emménagent au cours du premier épisode dans une maison, où une jeune femme est morte il y a peu, tombée dans les escaliers. Annie n'est pourtant pas partie, elle hante les lieux sans vraiment comprendre sa situation. A la différence des humains "normaux", les autres créatures surnaturelles ont toujours la capacité de voir un fantôme. Si bien que Annie se retrouve vite adoptée par l'étrange duo qui prend possession de la maison. Nous allons suivre ensemble le quotidien et le lot d'épreuves que ce dernier peut réserver à un vampire, un loup-garou et un fantôme. Plus que l'amitié qui se forge peu à peu, ce qui les unit en premier lieu, cela va être leur interrogation commune sur leur étrange nature, voire leur quête vers l'humanité. Chacun se situe à différents stades. George est en plein déni, transformé en loup-garou il y a peu, il se considère comme un monstre et refuse d'être confronté à cette évolution qui s'est produite en lui. Ne s'acceptant pas tel qu'il est, il aspire ouvertement à la normalité, tout en nourrissant la hantise de blesser quelqu'un lors de ses transformations, préférant fuir. Annie, également nouvelle dans son état fantômatique, est plus détachée de ces réflexions matérielles en raison de sa mort. Seulement, progressivement, c'est toute sa vie (et sa fin) qui va apparaître sous un angle nouveau, à des lieues de l'apparence légère et heureuse qu'elle mettait en scène. Dans la mort, c'est, étrangement, sa propre vie qu'elle va devoir reprendre en main pour trouver la paix. Enfin, pour Mitchell, la situation est quelque peu différente, car il a déjà pleinement accepté sa nature de vampire du fait de son expérience. C'est son état d'esprit qui a changé au fil des ans ; après des années où il s'était dégagé de toute considération morale, "humaine" pourrait-on dire, il a de lui-même rompu avec ses congénères et refuse désormais de se nourrir de sang directement sur un être vivant. On retrouve alors la même ambiguïté que chez George : l'interrogation sur le contrôle (et son manque par moment) et une vie qui tourne autour de ces moments dangereux où la nature surnaturelle prend le dessus, au cours desquels Mitchell peut tuer, bien plus sûrement et souvent que George.

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Being human est donc une série sur une quête impossible de normalité par des êtres surnaturels. Cela se ressent dans le traitement des personnages, comme des storylines. En effet, c'est avec une sobriété surprenante, pour ce type de thématique, qu'est mis en scène le caractère particulier de chacun. Pas de surenchère fantastique, ni même d'effets spéciaux hormis le strict minimum. C'est un quotidien d'une banalité irréelle qui est mis artificiellement en place, propre à nous faire oublier par moment la spécificité de nos protagonistes. Mais, soudain, arrive le dérapage incontrôlé. Quelque chose vient griper ce bel agencement et toute cette apparence s'effondre aussi sûrement qu'un château de cartes. C'est un souci rencontré lors d'une nuit de pleine lune pour enfermer George et éviter qu'il ne blesse quelqu'un quand il est transformé ; c'est Mitchell qui cède à sa tentation constante du sang frais et tue la dernière fille avec laquelle il était sorti flirter ; c'est Annie qui, soudain, prend conscience que sa mort n'avait rien d'un accident... L'illusion de normalité se brise brusquement, parfois sans prévenir, laissant les personnages exsangues, confrontés à leurs démons intérieurs. Being human ne pousse pas la réflexion jusqu'à s'interroger sur cet idéal d'humanité et sa pertinence, même si cela est parfois esquissé à travers certaines réactions si humaines (et horrifiées) auxquelles se heurtent les héros. Cependant, cette interrogation identitaire, quasi initiatique, offre un angle scénaristique intéressant et plutôt original. Faire la paix avec eux-même. Accepter ce qu'ils sont. Tout un programme qui permet une approche très introspective et qui constitue un des attraits majeurs de la série.

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Cependant, Being human n'exploite pas pleinement, et aussi efficacement qu'on aurait pu l'attendre, les thématiques de son concept, au cours de cette première saison. Si elle joue volontairement sur une ambiance inhabituelle de "normalité" qui constitue sa particularité (et dont la sobriété peut peut-être dérouter de prime abord), les intrigues des différents personnages prennent invariablement un tour très classique, traitées à de nombreuses reprises dans d'autres fictions. Elles sont de plus assez éclatées, chacun ayant droit à une ou deux épisodes vraiment consacrés à ses propres problèmes. Mais il manque un fil rouge reliant l'ensemble. L'unité de la série se maintient grâce aux liens qui se tissent entre les protagonistes et à ce refuge que constitue la maison dans laquelle ils cohabitent. Mais, au-delà de la force de cette amitié, les différentes intrigues n'ont pas ce petit plus qui aurait permis à la série de gagner en cohésion et en équilibre d'ensemble. Cette saison 1 est placée sous le signe de la recherche de soi. Chaque personnage va suivre une évolution personnelle ; plus marquée et marquante chez George et Annie que chez Mitchell qui stagne un peu dans un cercle vicieux dont il ne parvient pas à sortir, se heurtant constamment à la communauté vampirique de la ville (qu'il finit par s'aliéner définitivement). C'est d'ailleurs peut-être ici que réside le micro-fil rouge le plus constant de la saison. Si les épreuves de George et les découvertes de Annie contribuent à construire les liens d'amitié entre les trois colocataires, les ennuis de Mitchell, qui les mettent réellement en danger, achèvent de sceller leur amitié dans l'adversité et dans la tragédie.

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En fin de compte, si les idées de Being Human sont dans l'ensemble intéressantes, quoique guère originales, elles donnent parfois l'impression de ne pas être suffisamment abouties, donnant un ensemble quelque peu brouillon. L'autre conséquence est un rythme de narration inégal, les épisodes passant parfois un peu trop lentement au goût du téléspectateur. Pour autant, ces défauts narratifs n'occultent pas l'attachement que l'on éprouve rapidement pour les personnages et pour la série en générale. C'est en jouant sur l'affectif que cette fiction comble en partie ses faiblesses scénaristiques. Je pense qu'avec un fort fil rouge, plus évident que celui de la saison 1, l'introspection des personnages gagnerait en force et la série en cohésion, permettant d'aiguiser plus directement l'intérêt du téléspectateur. C'est d'ailleurs ce que parvient à faire le final de la saison, qui se conclut sur l'ouverture d'une nouvelle piste de réflexion, où toutes ces interrogations identitaires s'inscriraient dans une toute autre perspective. Cela renforce a posteriori les évolutions de cette saison et crée une attente importante pour la saison 2, avec un nouveau mystère qui pourrait potentiellement servir de trame principale solide.

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Du côté des acteurs, il faut souligner la performance de Russel Tovey (George), très convaincant en loup-garou privé de tout repère et assailli de doutes. Les deux autres acteurs, qui ne figuraient pas dans le pilote original, ont conduit leurs personnages dans des directions très différentes de la façon dont je les avais perçus lors du premier visionnage en 2008. Si bien que la comparaison automatique que mon cerveau opère m'amène à nuancer mon jugement. Disons que cela tient beaucoup à l'affectif ; et que cela n'a sans doute aucune incidence si vous n'avez pas vu le premier pilote. Mais Lenora Crichlow (Annie), que j'aimais beaucoup dans Sugar Rush, ne peut pas rivaliser à mes yeux avec la troublante Andrea Riseborough, je n'y peux rien. Quant à Aidan Turner (Mitchell), il fait le boulot, plus sobre que dans la première version du vampire, mais il reste parfaitement crédible.

 

Bilan : S'il fallait décrire Being Human en un seul adjectif, cela serait "sympathique". Assurément, la série capitalise sur l'affectif du téléspectateur qui s'attache à ces personnages, créatures surnaturelles mais aux introspections et aux attentes si humaines. D'un rythme quelque peu inégal, cette première saison se suit pourtant avec un réel intérêt. On peut sans doute regretter que les scénaristes n'aient pas mis à profit le concept, notamment cette vaine quête d'humanité, pour s'interroger beaucoup sur la nature humaine et la question de l'identité. Mais sans être pleinement aboutie, elle offre un divertissement efficace et simple, mêlant des thèmes existentiels aux fins potentiellement tragiques et l'ambiance détendue et confiante d'une amitié qui se forme.


NOTE : 6,5/10